lundi 8 février 2010

Extrait du roman de Anita Nair : "Un homme meilleur"

Anita Nair est une écrivaine indienne d'aujourd'hui. Elle écrit en anglais. Le roman "Un homme meilleur" est paru en 2000 sous le nom de "Better man". Il se passe en Inde du Sud à l'époque contemporaine.
Le passage qui nous intéresse est une toute petite partie du roman (3 pages sur 419, éditions Picquier 2003).
Je vais résumer ce passage en l'émaillant de citations

Bhasi, peintre en bâtiment et guérisseur-psychothérapeute, est appelé, en pleine nuit, au chevet d'une jeune femme dont le mari et l'enfant de 6 mois ont été fauchés par un camion quelques jours auparavant. Ce sont les frères de la jeune femme qui viennent le chercher.Dans le roman, Bhasi parle à la première personne comme s'il tentait de rappeler à la jeune femme, Dayamanti, ce qui s'était passé cette nuit là :
Le chagrin n'a rien de beau. Tu n'avais rien de beau à ce moment là, Damayanti.
Debout à te regarder, j'ai vu le lait tacher le tissu de ton corsage. J'ai vu ton corps chercher la bouche de ton enfant mort.
Vous avez vu ? a murmuré ta mère. Les deux premiers jours qui ont suivi l'accident, il nous a fallu lui retirer l'excès de lait à la main. Mais depuis hier, elle ne laisse plus personne la toucher.
La famille a tout essayé même le médecin... Alors Bhasi demande à rester seul avec la jeune femme et il lui parle
"Dayamanti, que puis-je faire pour alléger ce fardeau de douleur que tu portes ? Quels mots puis-je employer pour te consoler ? Je comprends ce que tu essayes de faire. Dayamanti, crois-tu que la douleur de ta poitrine pourra atténuer celle de ton âme ?"
Il lui parle pendant plus d'une heure, elle ne répond pas mais des larmes finissent par couler. Puis, à bout d'argument, il trouve l'audace de poser sa tête sur ses genoux, il dit alors :
Considère moi comme ton enfant, ai-je murmuré. Dis-toi que je suis une créature sans défense qui a besoin d'être nourrie. Laisse moi boire le chagrin qui s'est logé dans ta poitrine. Laisse moi dénouer ce poing dur comme un roc et permettre à ta peine de s'épancher. Sans un mot tu as attiré ma tête vers toi et tu m'as laissé m'abreuver à ta douleur. Les larmes qui coulaient sur tes joues ont mouillé les miennes. Dans ma bouche le goût du sel s'est mêlé à celui du lait...
Deux ans plus tard, je t'ai épousée.

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