Le train venait de quitter Gênes, allant vers Marseille et suivant les longues ondulations de la côte rocheuse, glissant comme un serpent de fer entre la mer et la montagne, rampant sur les plages de sable jaune que les petites vagues bordaient d'un filet d'argent, et entrant brusquement dans la gueule noire des tunnels ainsi qu'une été en son trou.
Dans le dernier wagon du train, une grosse femme et un jeune homme demeuraient face à face, sans parler, et se regardant par moments. Elle avait peut-être vingt-cinq ans; et, assise près de la portière, elle contemplait le paysage. C'était une forte paysanne piémontaise, aux yeux noirs, à la poitrine volumineuse, aux joues charnues
…
Elle était mariée; elle avait déjà trois enfants laissés en garde à sa soeur, car elle avait trouvé une place de nourrice, une bonne place chez une dame française, à Marseille.
Lui, il cherchait du travail. On lui avait dit qu'il en trouverait aussi par là, car on bâtissait beaucoup
...
Le sein de droite apparut, énorme, tendu, avec sa fraise brune. Et la pauvre femme geignait : "Ah ! mon Dieu ! ah ! mon Dieu ! Qu'est-ce que je vais faire ?"
Le train s'était remis en marche et continuait sa route au milieu des fleurs
…
Le jeune homme, troublé, balbutia : "Mais... madame... Je pourrais vous... vous soulager."
Elle répondit d'une voix brisée : "Oui, si vous voulez. Vous me rendrez bien service. Je ne puis plus tenir, je ne puis plus."
Il se mit à genoux devant elle; et elle se pencha vers lui, portant vers sa bouche, dans un geste de nourrice, le bout foncé de son sein. Dans le mouvement qu'elle fit en le prenant de ses deux mains pour le tendre vers cet homme, une goutte de lait apparut au sommet. Il la but vivement, saisissant comme un fruit cette lourde mamelle entre ses lèvres. Et il se mit à téter d'une façon goulue et régulière.
Il avait passé ses deux bras autour de la taille de la femme, qu'il serrait pour l'approcher de lui; et il buvait à lentes gorgées avec un mouvement de cou, pareil à celui des enfants.
Soudain elle dit : "En voilà assez pour celui-là, prenez l'autre maintenant."
Et il prit l'autre avec docilité.
Elle avait posé ses deux mains sur le dos du jeune homme, et elle respirait maintenant avec force, avec bonheur, savourant les haleines des fleurs mêlées aux souffles d'air que le mouvement du train jetait dans les wagons.
Elle dit : "Ça sent bien bon par ici."
Il ne répondit pas, buvant toujours à cette source de chair, et fermant les yeux comme pour mieux goûter.
Mais elle l'écarta doucement :
En voilà assez. Je me sens mieux. Ça m'a remis dans le corps."
Il s'était relevé, essuyant sa bouche d'un revers de main.
Elle lui dit, en faisant rentrer dans sa robe les deux gourdes vivantes qui gonflaient sa poitrine:
"Vous m'avez rendu un fameux service. Je vous remercie bien, monsieur."
Et il répondit d'un ton reconnaissant :
"C'est moi qui vous remercie, madame, voilà deux jours que je n'avais rien mangé !"
Le point de départ de notre recherche est le motif utilisé par Steinbeck dans les Raisins de la colère à savoir une jeune femme qui allaite un adulte... Depuis nous recherchons tout ce qui de près où de loin (iconographie, récits traditionnels, romans...) peut éclairer ce motif "socialement incorrect" en ce début de 21ième siècle... et notamment les quasi introuvables (sauf chez Valère Maxime, Pline l'Ancien et Nicolas Poussin) références à l'allaitement d'une mère par sa fille...
dimanche 6 avril 2008
Idylle, nouvelle de Maupassant, 1884
Voici des extraits de cette magnifique nouvelle que l'on peut trouver en ligne.
Libellés :
famine,
littérature,
maupassant,
maux de seins,
nourrice engorgée,
prescription médicale,
roman
Messages les plus consultés
-
Sacré article que celui là ! L’auteur en est Valérie Cabrol, auteur d’une thèse dans les années 90 sur le sujet… Elle est tombée sur mon blo...
-
C'est un tableau qui date de 1949. De la Terre s'échappe une goutte de lait. Des yeux de Frida, des larmes. Frida Kahlo tient dans s...
-
Peut-être s'éloigne-t-on du sujet ? Pas sûr ! Voici un petit résumé (donc une interprétation) des légendes que j'ai lues sur Saint G...
-
Isis, la déesse égyptienne est souvent représentée allaitant son fils Horus. Mais on peut aussi la voir allaiter Pharaon pour bien marquer l...
-
Ce qui est troublant et la rapproche de notre sujet c'est que, Frida Kahlo (1907-1954) se représente adulte (ou presque) en train de tét...