dimanche 7 novembre 2010

Tétaïre en Provence

Sur le blog de Geneprovence qui ne cite pas trop ses sources, ou alors je n'ai pas trouvé
"Lorsque l'enfant était sevré, et comme la mère avait encore quelques montées de lait, on faisait appel à un professionnel qui a complètement disparu aujourd'hui: le tétaïre. Ce brave homme avait pour tâche de téter les femmes, soit parce qu'elles n'avaient pas de bouts de seins, pour les leur faire, soit que la montée du lait se faisait mal, soit qu'elles avaient trop de lait. Cette profession est attestée jusqu'en 1930 au moins. En période de sevrage, le tétaïre avait pour tâche de tirer le lait superflu. Pour les femmes qui ne voulaient avoir à faire au tétaïre, la revue Basses Alpes (1943, n°183) proposait une autre solution: "Quant à la mère, gênée par la montée du lait qui se prolongeait, elle se faisait téter, temps passé, par un petit chien, voire même par une autre personne qualifiée, pour aspirer le lait".
http://www.geneprovence.com/2007/01/la-petite-enfance-dans-la-provence.html

Celui qui têta quarante ans, conte populaire du Languedoc (vallée du Lauquet)

Conte raconté par Jean Bedios, né en 1905, du village de Ladern, et collecté entre 1958 et 1978 par Jean Guilaine.
Résumé du conte, les passages en exergue sont extraits du texte:
Un couple n'a qu'un fils. Ils ne l'envoient pas à l'école parce qu'il tète toujours. Quand il a 10 ans, ils tentent de l'envoyer à l'école mais avant même de passer la porte le garçon fait demi tour et se précipite dans leurs bras. Ils décident de le garder et de le faire téter dix ans de plus. Quand il a 20 ans, ses parents "décident de faire un sacrifice", lui demande ce qu'il veut faire comme métier. Il répond "bûcheron" alors ils lui font forger des outils. Mais sur le seuil, l'enfant entend ses parents pleurer, il éclate en sanglots
- Reste lui dire les parents. Tu téteras vingt ans de plus.
Le petit écouta ses parents et resta à la maison familiale vingt ans de plus.
A quarante ans, après toutes ces tétées successives, il était devenu fort comme un Hercule. Il put alors se préparer à son métier de bûcheron. Mais avant de partir il se fit faire une hache bien plus forte que la première, des coins énormes et une masse colossale.
Il quitta ainsi ses parents....
Il marche à travers la forêt et arrive dans un château. On l'embauche mais il est si fort qu'il fait plus de dégâts qu'autre chose. Avec un cheval tenu par la queue il met en déroute l'armée du roi ennemi, le roi
entra alors dans une telle joie qu'il promit au bûcheron de le nourrir sans travailler jusqu'à la fin de ses jours.
Ce conte m'a été signalé par Valérie Cabrol (Le tétaïre du Somail) et il se cachait dans ma bibliothèque : Récits et contes populaires du Languedoc (2) recueillis par Jean Guilaine dans la vallée du Lauquet, Gallimard 1978.

mardi 5 octobre 2010

Le tétaïre ou la préparation à l'allaitement dans l'Herault au début du 20ième siècle

Sacré article que celui là ! L’auteur en est Valérie Cabrol, auteur d’une thèse dans les années 90 sur le sujet… Elle est tombée sur mon blog, et elle m’a autorisée à publier l’article qui suit. Quel cadeau !
Il y a peu, une connaissance m'a confié la photo d'un tableau qu'un ami avait chiné, il représente un vieillard en prison allaité par une jeune femme. Deux soldats les observent par la fenêtre. En me remettant la photo, cette personne me dit "J'ai trouvé la représentation d'un tétaïre !". Mais pour moi ce tableau était religieux, la pose des personnages, la tonsure, les vêtements, tout me rappelait le mythe de la Vierge allaitant..Il ne pouvait s'agir de ce personnage sur lequel j'ai enquêté dans le cadre de mon DEA d'anthropologie au début des années 90. Grâce à votre blog j'ai reconnu dans ma photo une copie du Rubens (Amsterdam).
Le tétaïre (têteur en français) pouvait être un vieillard ou l'idiot du village, il intervenait auprès des jeunes mères pour les préparer à l'allaitement. Ces compétences étaient larges pour faciliter cette fonction : déclencher la montée de lait, façonner un bout de sein inadapté, résorber un abcès, pallier les faiblesses du nourrisson. Il tétait les femmes devant la famille et les voisins qui contrôlaient l'office dévolu à cet adulte remplaçant un nourrisson, en une manière de théâtre. Dans la littérature locale, chez les folkloristes on ne trouve que de vagues indications sur cette fonction, ce métier de la naissance qui semble pourtant fréquent dans le Languedoc de la fin XIXe début XXe s. avec parfois des détails intéressants ou simplement quelques lignes lapidaires ou proverbiales ("Lou tétaïre de Calho que této como un co" - le tétaïre de Cailho qui tète comme un chien"). L'histoire de l'allaitement nous apprend d'ailleurs que des chiots étaient utilisés pour soulager les nourrices ; les tire-lait existaient depuis longtemps, mais ils n'avaient pas l'efficacité de l'homme. Car oui, j'ai rencontré des femmes, nées au début du XXe s., qui ont eu recours au tétaïre lors de la naissance de leur premier enfant. Elles m'ont raconté à la fois leur expérience et l'histoire du dernier tétaïre connu : il officiait jusqu'au début des années 40 dans le nord de l'Hérault (et pouvait se déplacer à Béziers), il est mort en 1957. J'ai ainsi pu dresser le portrait de cet homme simplet, jamais sevré, miséreux, incestueux, moqué, dévirilisé, qui tétait les femmes. J'ai pu mettre en lumière cette étrange tétée qui se fait le plus souvent devant la famille et les voisins qui contrôlaient l'office dévolu à cet adulte remplaçant un nourrisson. Cette fonction qui semble s'inscrire dans la sociabilité féminine de la naissance, présente également un volet masculin, c'est le père que le tétaïre remplace auprès de la mère.
Sources A. HUGUES "Un têteur" - Revue de folkore français - T VI - p. 306 - 1935
C. GROS Folklore, revue d'ethnographie française - n°50 - T.VII - p.15
C.SEIGNOLLE Le Folkore du Languedoc 1977 - p.30
R. JALBY Le Folkore du Languedoc - 1977
D.FABRE et J.LACROIX La Vie quotidienne des paysans du Languedoc
Une information, qui n'est pas dans le livre : selon Witkowski, des nourrices allant se placer voyageaient accompagnées d'un petit chien pour leur tirer le lait, afin de se mettre à l'abri de la mésaventure contée par Maupassant, mais aussi afin de ne pas perdre leur lait. (Curiosités médicales, littéraires et artistiques sur les seins et l'allaitement, receuillies par G.J Witkowski, Paris, A.Maloine, ed.1898-1907, t. I, p.76)
Si des internautes se manifestent et vous rapportent des informations ou commentaire sur le tétaïre, merci de m'en faire part.
Cordialement,
Valérie Cabrol, auteur d’un livre que l’on peut trouver à l’Office du Tourisme de Fraisse sur Agout (34), « "Tétaïre du Somail" »

samedi 11 septembre 2010

Fait divers made in Finlande

C'était dans le Dauphiné Libéré du 9 septembre 2010

lundi 31 mai 2010

Rivière blanche : le lait de la Vierge

Dans le conte populaire collecté dans le Nivernais par Achille Millien, "Le sac d'argent", choisi par Bruno de la Salle (Rencontres des peuples dans le conte, Aschendorff Munster, 1961, p.37-41) pour le colloque "Que nous disent les contes" (Arts du récit en Isère 2010), je retrouve deux motifs qui m'intéressent:
-la traversée des fleuves comme pour la légende de Saint Christophe, voir le blog du Réprouvé
-le regret de n'avoir pas bu le lait de la Vierge de la part du héros...

Résumé du conte avec les citations des passages qui concernent notre sujet : dans une famille très pauvre, la mère envoie l'aîné des 3 enfants chercher son pain. Il rencontre un homme qui lui propose de porter un message au père éternel contre un sac d'argent.Il prend le sac mais arrivé devant une rivière renonce à le traverser. Il ramène l'argent à sa mère et ne dit rien du message. Le 2ième veut y aller aussi... ramène le sac d'argent après avoir renoncé à traverser la rivière. Le 3ième part. Quand il croise l'homme, il lui dit de garder le sac d'argent jusqu'à ce qu'il revienne. Il trouve la rivière qui lui barre la route, il prie
L'eau se partage en deux et il se fait une petite sente, et il passe. Il marche, et trouve une autre rivière, blanche comme du lait; pris de peur il se remet à genoux, prie encore, il se forme à nouveau une petite sente, et il passe. Il marche toujours tout droit devant lui, quand pour la troisième fois une rivière l'arrête rouge comme le sang. Cette fois-ci, il a vraiment peur... Il s'agenouille à nouveau, prie le Bon dieu, et la petite sente se reforme encore. Il passe...
Il rencontre d'autres choses étranges et arrive au bout d'un jardin, devant un château où il reconnait celui qui lui a donné le message, le Père Eternel. Le Père Eternel lui explique ce qu'étaient les trois rivières. Pour la première :
Eh bien, quand tu l'as eu passée, tu n'étais plus au monde. C'est la séparation du Ciel et de la Terre
Pour la deuxième
C'était le lait de la sainte Vierge, dont elle nourrissait notre seigneur Jésus Christ qui nous a sauvé.
Et le garçon répond
Si je l'avais su, j'en aurais bu un bon coup.
Pour la troisième
C'était le sang de notre seigneur Jésus Christ qui a été répandu sur la terre pour sauver tous ceux qui le servent.
Et le garçon
Ah! Si j'avais su, je me serai lavé dedans.
... En bref, le garçon est tout de même arrivé au Paradis. Même si toutes les mères rencontrées sur sa route l'ont laissé sur sa faim.
Il s'agit d'un conte européen où l'emballage chrétien cache sans doute un fond plus ancien.
L'enregistrement de l'intervention de Bruno de la Salle et le texte du conte sont en ligne : voici le lien.
Ensuite il suffit de cliquer sur la rubrique "Colloque"

mercredi 26 mai 2010

Formulette Libanaise

Au nom de Dieu, je commence à mentir : j'ai vu une fourmi allaiter un lapin...
C'est une formule que les conteurs libanais utiliseraient en introduction... C'est aussi un clin d'oeil, pour vous dire que même s'il n'y a pas de nouvel article depuis février, le chantier de la "charité romaine" n'est pas abandonné !

dimanche 14 février 2010

Ce que dit Claude Gaignebet des GOULES

Claude Gaignebet est un ethnologue bien vivant, très actif en ce qui concerne la mythologie française,Rabelais et mille autres sujets. Le rencontrer c'est rencontrer la passion de tisser des liens et une érudition infinie : j'ai eu la chance de faire cette rencontre, et c'est sans doute grâce à lui, que la béotienne que je suis, vous amuse avec des recherches improbables et bien au dessus de ses compétences. Mais il faut bien commencer !
Ce qui suit est un extrait d'un de ses ouvrages qui me semble se rapporter à notre sujet, les mises en majuscule ou en italique sont de l'auteur :
... Un seul détail nous retiendra pour l’instant, emprunté aux récits orientaux relatifs aux goules. Ces ogresses, qui vivent dans les déserts ou dans les bois, ont les seins si longs qu’elles les jettent sur les épaules pour courir plus vite. Cette particularité anatomique est empruntée à celle de la guenon des Bestiaires. Mais ce geste n’est pas aussi simple qu’il paraît. Dans les contes populaires, il permet au héros de s’approcher de la goule sans être vu, de la téter furtivement et d’en être ainsi adopté. Ce rite qui met le héros sous la protection de la femme de l’au-delà qui l’allaite, participe lui aussi du RETOURNEMENT en un double sens ; le héros doit SUPPLANTER le fils de l’ogresse et choisir le BON SEIN. Or dans certaines variantes, celle-ci, non seulement rejette ses seins derrière le dos, mais les CROISE. Le BON SEIN , celui qui contient du lait fort, celui de droite, est alors à gauche, ce que le héros sait. Il se développe bien plus vite que le petit goule, le terrasse et le tue…
GAIGNEBET Claude, A plus hault sens : l’ésotérisme spirituel et charnel de Rabelais, volume 1, Maisonneuve et Larose 1986 Page 136

samedi 13 février 2010

Détail d'un marbre du Musée d'Anvers

Ce sont des clichés faits par Matthieu Gautier. Merci ! Il n'a pas pu m'en dire plus... mais peut-être certains d'entre vous pourraient nous donner le nom du sculpteur, le titre éventuel de la sculpture ? Peut-on considérer que c'est une charité romaine ? L'enfant y est présent et l'homme allaité semble bien entreprenant...

La piété filiale, sculpture d'Alfred Boucher, 1881


Au Musée Paul Dubois de Nogent-sur-Seine (10), trône cette sculpture dont une lectrice du blog a bien voulu m'envoyer une photo. Merci à Marianne-France Staub.
Il semble que cette oeuvre ait été primée au Salon de Paris en 1881.
Le musée de Nogent sur Seine a été créé par Alfred Boucher en 1905, en l'honneur de son maître, le sculpteur Paul Dubois. Vous avez dit piété filiale ?

lundi 8 février 2010

Extrait du roman de Anita Nair : "Un homme meilleur"

Anita Nair est une écrivaine indienne d'aujourd'hui. Elle écrit en anglais. Le roman "Un homme meilleur" est paru en 2000 sous le nom de "Better man". Il se passe en Inde du Sud à l'époque contemporaine.
Le passage qui nous intéresse est une toute petite partie du roman (3 pages sur 419, éditions Picquier 2003).
Je vais résumer ce passage en l'émaillant de citations

Bhasi, peintre en bâtiment et guérisseur-psychothérapeute, est appelé, en pleine nuit, au chevet d'une jeune femme dont le mari et l'enfant de 6 mois ont été fauchés par un camion quelques jours auparavant. Ce sont les frères de la jeune femme qui viennent le chercher.Dans le roman, Bhasi parle à la première personne comme s'il tentait de rappeler à la jeune femme, Dayamanti, ce qui s'était passé cette nuit là :
Le chagrin n'a rien de beau. Tu n'avais rien de beau à ce moment là, Damayanti.
Debout à te regarder, j'ai vu le lait tacher le tissu de ton corsage. J'ai vu ton corps chercher la bouche de ton enfant mort.
Vous avez vu ? a murmuré ta mère. Les deux premiers jours qui ont suivi l'accident, il nous a fallu lui retirer l'excès de lait à la main. Mais depuis hier, elle ne laisse plus personne la toucher.
La famille a tout essayé même le médecin... Alors Bhasi demande à rester seul avec la jeune femme et il lui parle
"Dayamanti, que puis-je faire pour alléger ce fardeau de douleur que tu portes ? Quels mots puis-je employer pour te consoler ? Je comprends ce que tu essayes de faire. Dayamanti, crois-tu que la douleur de ta poitrine pourra atténuer celle de ton âme ?"
Il lui parle pendant plus d'une heure, elle ne répond pas mais des larmes finissent par couler. Puis, à bout d'argument, il trouve l'audace de poser sa tête sur ses genoux, il dit alors :
Considère moi comme ton enfant, ai-je murmuré. Dis-toi que je suis une créature sans défense qui a besoin d'être nourrie. Laisse moi boire le chagrin qui s'est logé dans ta poitrine. Laisse moi dénouer ce poing dur comme un roc et permettre à ta peine de s'épancher. Sans un mot tu as attiré ma tête vers toi et tu m'as laissé m'abreuver à ta douleur. Les larmes qui coulaient sur tes joues ont mouillé les miennes. Dans ma bouche le goût du sel s'est mêlé à celui du lait...
Deux ans plus tard, je t'ai épousée.

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