Voici un petit résumé (donc une interprétation) des légendes que j'ai lues sur Saint Gilles avec des extraits de documents choisis... Pour une autre représentation du saint on peut aussi se reporter au Tryptique Moreel par Memling à Bruges où il est représenté avec un autre bénédictin (Saint Maur)entourant St Christophe (pour ceux qui connaissent le blog du Réprouvé, c'est un joli clin d'oeil)
Gilles serait né en Grèce (au 8ième siècle)de sang royal, mais dès son arrivée en Provence il s'est fait remarquer en faisant des miracles (apaiser les tempêtes, ressusciter les mourants...) Comme cela attirait trop de monde à son goût il a décidé de se faire ermite... Eloigné de tout, il ne se nourrissait que de racines et parfois par gourmandise de cresson. Avec ce régime, il n'a pas tardé à dépérir.
" Seigneurs, écoutez ce beau miracle. Alors qu’il était chez lui, en train de prier et d’adorer Dieu dans son abri de feuillage, Gilles vit une biche sauvage arriver à son ermitage. La biche qui était d’une très grande beauté vint directement à l’entrée de la fosse en suivant le sentier qu’elle avait trouvé. Elle passa à travers les branches et pénétra sans crainte à l’intérieur. Les pis gonflés de lait, elle alla se coucher aux pieds de Gilles et lui offrit ses services. Quand il vit la biche à ses pieds, Gilles fut rempli de joie, car il se doutait bien que c’était Dieu qui la lui avait envoyée. Durant tout le temps où il vécut loin du monde, il se nourrit du lait de la biche." G. Berneville (de) La vie de Saint Gilles.
Jacques de Voragine, dans la Légende Dorée (13ième siècle), dit lui que:
"... il s'enfonça dans un désert où trouvant un antre avec une petite fontaine, il rencontra une biche sans doute disposée par Dieu pour lui servir de nourrice, elle venait à des heures fixes l'alimenter de son lait."
Mais un jour le roi était à la chasse et il voulait ramener une biche. Il l'a vue, l'a pourchassée pendant plusieurs jours. Un de ses chasseurs l'a même atteinte d'une flèche, mais elle courait toujours... Elle a fini par se glisser dans un fourré. Lancés à sa poursuite les chasseurs y ont découvert un jardin miraculeux et la cabane de Saint Gilles : aux pieds du saint, était couchée la biche et la flèche était fichée dans le bras du saint. On ne dit pas comment a fini la biche mais le roi, ému, a offert à Saint Gilles une abbaye...
St Gilles est devenu, entre autres, le protecteur des nourrices. Il est invoqué contre la peur pour avoir protégé la biche.
Et, comme le dit, Brigitte Charnier dans sa thèse de littérature médiévale sur la complainte de La Blanche Biche ("Je suis fille le jour et la nuit blanche biche...", la blanche biche finissant rôtie sur la table de son chasseur de frère) :
"La christianisation du motif ayant évacué l’union amoureuse, la biche blessée, médiatrice de l’autre monde, favorise la fondation, non pas d’une lignée, mais d’un lieu sacré : une abbaye..."Jacques de Voragine introduit la vie de Saint Gilles en disant du saint
"... il fut divin par l'amour qui assimile l'amant avec l'objet aimé"Quand à Stendhal, à propos de sa mère, voici ce qu'il raconte :
" Un soir, comme par quelque hasard, on m'avait mis coucher dans sa chambre par terre, cette femme vive et légère comme une biche sauta par-dessus mon matelas pour atteindre plus vite à son lit "."Biche, oh, ma biche...", ça c'est une chanson de 1963 où la pudeur est peut-être encore plus grande puisque, de la biche, il ne reste plus que les yeux...